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dimanche 12 février 2012

POUR UNE RÉVOLUTION NOUVELLE – Étape 2



Ces jours-ci, les lois ACTA en Europe, SOPA/PIPA aux Etats-Unis et C-11 au Canada vont être ratifiées.

La mobilisation massive sous la forme de manifestations et de pétitions est nécessaire.
Ainsi s’expriment avec force, et collectivement, le désaccord et l’indignation face à ces lois antidémocratiques et répressives.

En effet, le pouvoir qui est face à nous repose d’abord sur la force législative de contrôle et de répression.
Quel regard peut-il porter sur les manifestations et la mobilisation du peuple ?
Il se félicite d’un rapport de force toujours décalé qui voue tout affrontement à l’inanité. Car le pouvoir du système se situe à un niveau protégé, là où les manifestations ne peuvent aucunement l’atteindre. Vus de cette hauteur là, les manifestants ne sont que des pantins qui gesticulent.

Comment se poser face à ce pouvoir, sur le même plan, là où l’affrontement direct devient possible et se rend potentiellement significatif ?

Anonymous nous en donne l’exemple.
Déjà depuis un certain temps, il est entré dans une forme de résistance nouvelle et adaptée ; il se sert d’une arme de pointe : le savoir dans un domaine précis.
Car le pouvoir en place, reposant sur sa force législative, s’érige surtout sur un savoir étendu et poussé dans tous les domaines. Ce savoir est retenu, contrôlé et détourné à des fins politiques, c’est-à-dire, utilisé prioritairement pour l’affermissement de ce pouvoir.

La connaissance est déjà un élément-clé de la dénonciation, et les manifestations s’en chargent. Mais aujourd’hui, elle doit représenter plus encore : le pilier de la force de résistance.
C’est pourquoi, le peuple dépossédé et non bénéficiaire de ces savoirs, en appelle à Anonymous pour riposter et engager une guerre de compétences. Seule, la compétence aiguë en informatique est à même de combattre ces lois, en empêchant à la racine qu’elles s’appliquent. Lorsque la loi est une violence dissimulée et légalisée, le combat exige des armes égales et adaptées : il s’agit de rendre inopérante une loi injuste en neutralisant les moyens informatiques de contrôle abusif, contrôle que cette loi s’apprête à exercer.

C’est à ce niveau là que doit se hisser aujourd’hui la PRÉSENCE du peuple.
Captif trop longtemps de son ignorance organisée, sa présence se lève désormais forte de tous les savoirs individuels et anonyme. 

En effet, l’exemple d’Anonymous nous permet de réaliser que tout un chacun est aujourd’hui devant un choix, choix qui est à lui seul révolutionnaire. Je peux choisir sciemment les  bénéficiaires de mes propres compétences : serait-ce donc le peuple lui-même ou l’élite dirigeante… ?



Le peuple présent et fort de ses compétences réunies et partagées selon les lois les plus humaines de la démocratie, constitue un véritable contre-pouvoir en émergence.

Mais il y a encore un autre dévoiement de son propre savoir que le peuple Indigné doit éviter : celui dont le pouvoir en place est le plus coupable.
Si le savoir, la connaissance représentent un élément-clé du pouvoir, ce savoir ne peut pas être exercé pour le seul pouvoir qu’il procure.

Le savoir élitaire pour un pouvoir absolu et amoral définit le système en place.
Par opposition, le peuple qui aspire à restaurer sa présence, comprend dès lors que l’équation savoir/pouvoir doit se prolonger nécessairement dans une finalité haute, et la boussole éthique est là pour lui indiquer le sens.
C’est ainsi que les vertus démocratiques, dégagées enfin d’un relativisme confus et dévoyé, deviennent d’indispensables régulateurs d’action.

Pour un peuple justicier, la meilleure échappatoire à la répression du système est la légitimité morale de son agir.
Sans anarchie, la subversion s’accorde avec la droiture.

SOPA, PIPA et ACTA


Une société de l’information n’est pas une société où la population sait. C’est une société où, comme son nom l’indique, la population est informée.

Pour saisir le contexte dans lequel les lois SOPA, PIPA et ACTA sont ratifiées, il faut saisir cette première différence. Ensuite, il faut comprendre à quel point la représentation presque religieuse du « tout information », prometteuse depuis les années 50 d’une société idéale, utopique, où les individus seraient au maximum de leur potentiel humain, constitue un formidable mensonge quant au pouvoir qu’elle est supposée conférer aux citoyens.

Revenons à la distinction entre information et savoir ou, information et connaissance. Connaissance et savoir auront, dans ce texte, la même signification. J’aimerais souligner qu’il ne s’agit en aucun cas de prôner une société de savants imbus d’eux-mêmes.


Qu’est-ce que l’information ?

Un événement qui a été médiatisé sous une forme technologiquement viable et légère : le point culminant de l’information est une image – fixe ou en mouvement.

Prenons un exemple : dans la salle de presse d’un canal officiel d’information télé-radio, une caméra braquée sur un terrain en Israël. Tout d’un coup, on peut distinguer le trajet d’un tir de roquettes. Les journalistes réagissent. Il y a des tirs de roquettes en Israël ? La caméra dit-elle d’où ils viennent ? Qui tire ? En réponse à quoi ? Évidemment, la seule image ne donne pas autant de détails. Mais il faut se dépêcher. Le journal du début de l’heure est dans dix minutes. Il faut que cela passe au prochain bulletin de nouvelles. « Breaking news »…

La suprématie de l’image donne au fait libéré de tout rapport de causalité, de toute intégration dans un contexte, la possibilité d’être relayé quoi qu’il en coûte. Avec le mot « information », se greffe à l’esprit le mot « scoop ». Dans cet exemple où je me permets de ne pas citer de nom ni de date, mais qui est réel, les journalistes auront tôt fait de créer un texte qui sera dit en une minute dix, durée maximale pour un flash d’information. Ce texte ne donnera pas à proprement parler une information mensongère, mais créera à partir de cette image, de l’information. Une image choquante qui fait le tour du monde, et qui s’imprimera dans les esprits comme une vérité de fait, qu’on pourra ressortir à sa guise lors d’une conversation concernant les plus récents soubresauts du conflit Israélo-palestinien. Prendra-t-on en compte soixante années de guerre continue sur ce territoire ? Les complexités liées aux acteurs du conflit ? Bien sûr que non.


Que transmet-on avec une image ? Transmet-on réellement de la connaissance ?

L’objectif de la société d’information est de partager non pas une connaissance, mais l’impressionnant effet que cela fait de pouvoir partager sur Facebook© et Twitter© une image marquante, et de se dire dans son fauteuil « je sais qu’entre telle minute et telle minute, à tel jour, alors que je n’y étais pas, des tirs de roquettes ont été lancés dans une région éloignée du monde. Je n’en connais absolument rien d’autre que ce que ces caméras dont je n’ai même pas décidé de ce qu’elles filment m’affirment que c’est du « real-time » ».

L’information se réduit à une image dont l’importance s’accroît avec la quantité de partages.

On voit donc bien qu’il y a une énorme différence entre l’information et la connaissance.

Les deux s’appuient sur des faits. La première relaye un fait isolé et génère des rapports de causalité faciles à comprendre, mais souvent fragmentaires, qui ne doivent pas excéder la minute dix où l’information est transmise. La deuxième cherche à mettre les faits en contexte et à établir des relations de causalité. Il n’est pas question pour la connaissance d’avoir un début et une fin ; la recherche des causes, comme on peut la tenter même à travers la connaissance de soi-même, consiste à tenter continuellement de reprendre le fil d’une histoire qu’on se raconte.

La connaissance se modifie à l’aune des remises en cause et de l’approfondissement, jusqu’à ce que je perçoive peut-être, dans tout cela, un peu de cohérence. Mais dans la connaissance, l’effort est continu, répété, et je ne suis jamais totalement satisfait, parce que la vérité est objet de désir.

Ensuite, il y a une autre différence : elle devrait commencer à nous orienter vers le souci et l’inquiétude que devraient générer les étranges lois en passe d’être ratifiées quant à la régulation du réseau d’informations le plus impressionnant que l’humain ait conçu à ce jour : l’Internet.

Cette différence tient à ce que j’appellerai l’émetteur, ou l’origine, du message. 

Reprenons l’exemple de ma chaîne de télévision et de radio. La chaîne d’informations dispose d’une caméra braquée « live » sur une région éloignée d’une dizaine de milliers de kilomètres d’elle. Instant de réflexion : quelle somme d’argent faudrait-il à n’importe lequel d’entre nous pour avoir au moins une caméra braquée « live » dans un endroit du monde où on ne se trouverait pas physiquement ?

Continuation de la réflexion : une information est la sélection d’un fait parmi d’autres, sous une certaine lunette de culture et d’intérêts. Une des principales modalités de cette sélection est l’impact émotionnel de ce fait sur le public ainsi que la manière dont on promeut cet impact. Il y a des techniques de marketing associées à cela.


Peut-on vraiment dire que « l’information libre© » est une source fiable de connaissances ?

Plus précisément, peut-on laisser à ceux qui détiennent l’origine et les moyens d’informations le monopole de leur transmission ? Il faudrait garder à l’esprit que cette transmission serait réalisée à travers le principe du « pay-per-view », c'est-à-dire avec paiement à la carte…

Peut-on les laisser « protéger » ce qu’ils semblent considérer comme leur patrimoine légitime ? L’information telle que définie jusqu’à présent est un objet totalement marchandisé. Peut-on donc avoir confiance dans le fait que, sous leur égide officiellement bienveillante, l’Internet restera un lieu de partage, et non d’échange, des connaissances ? Comment se fait-il que l’ambiguïté du terme « free », à la fois « libre » et « gratuit », ne soit jamais l’objet d’une réflexion approfondie de la part de ceux qui prétendent réguler l’Internet ?

La nature de l’Internet se trouve justement dans cette notion d’espace libre.

Que deviendra cet espace à partir du moment où ces données ne pourront être générées que par ceux qui ont les moyens de payer des droits d’auteur faramineux ? Avec ces lois, ces derniers seraient habilités à poursuivre tous ceux qui voudraient transmettre gratuitement – ou librement – une information d’un autre genre : par exemple, dans le but de mettre la lumière sur des problématiques qui auraient été passées sous silence… De telles initiatives tomberaient irrémédiablement sous le sceau de l’illégalité, en vertu du fait que ce ne sont que les spécialistes de l’information qui ont le droit de générer et transmettre l’information. Pensons qu’à Dubaï, qui veut accéder au site www.realdemocracynow.net voit apparaître sur son écran le message suivant : « impossible d’accéder au site demandé : risque de pornographie… ».

Ces lois s’apprêtent à faire de nous les spectateurs de nos propres cultures, en nous privant irrévocablement du droit d’en être les auteurs.

Évidemment, il faut ici penser l’information sous un angle de plus en plus large : non seulement les « breaking news », mais tout texte, image, vidéo, objet sonore, qui tend à transmettre un message… L’information telle que fabriquée par ceux qui en détiennent le monopole réduit la culture à un ensemble d’objets marchandables et étriqués.

Internet est décrit, et ce même par les promoteurs de lois comme SOPA, PIPA et ACTA, comme un espace où l’information circule librement. En anglais, « libre » et « gratuit » se disent « free » et… « free ». Il faut creuser un peu cette idée de liberté pour constater que l’idée d’une information libre n’est pas si idyllique qu’on veut nous le laisser croire. Pour ceux qui auront pris la peine de lire les textes de loi, l’introduction est toujours aussi avenante : aux Etats-Unis, une phrase vient dès le départ nous rassurer de ce que, malgré tout ce qui suivra dans la cinquantaine de pages du projet, le Premier Amendement reste sacré et intouché. Dans le projet de loi ACTA, on fonde le texte sur la volonté de protéger le public des « risques » liés au fait que « le crime organisé » bénéficierait des écarts aux lois présentes. Nos doux despotes prétendent agir en fervents défenseurs du « commerce légitime ». Enfin, et il faudrait continuer, ils promettent d’établir « un équilibre entre les droits et les intérêts des détenteurs de droits, des prestataires de services et des utilisateurs concernés ». Ces phrases d’introduction, ces promesses bienveillantes et paternelles, peuvent-elles suffire à éteindre nos inquiétudes ? Nous prendraient-ils pour des… ?


Pensons maintenant à l’idée de marché libre.

Le marché libre, si on en croit ce qui s’est passé en Irak, peut aller jusqu’à exiger qu’un pays soit massacré, peuples et structures, afin que le marché libre puisse déclarer par la suite le pays conquis comme « Open For Business » : s’ensuivent la création d’écoles privées, d’hôpitaux privés, de chaînes de télévision privées, etc. Toute l’ambiguïté d’une information libre réside dans les mains qui en détiennent l’origine, et pire, qui en pensent les structures et ramifications.
Une telle représentation de l’information libre est un des rejetons préférés de la religion néolibérale qui s’est élaborée depuis la fin des années 50, accompagné de son faux jumeau, la dite liberté d’expression.

Laissez-moi le temps de développer.

L’information est-elle un ensemble de messages que tous et chacun peuvent transmettre librement ? Non. De moins en moins. L’information est un ensemble de messages coûteux, travaillés et conditionnés sous forme d’images-scoop d’une minute dix, et générés par des corporations d’informations qui ont le privilège d’une liberté qui n’est rien d’autre que la liberté de régner sur le marché. Cette liberté est la liberté qui intervient dans les expressions marché libre ainsi que information libre.

Il devient donc évident que ce n’est pas la liberté d’un ensemble d’informations générées par des acteurs dont les intérêts divergents créent l’espace propice à l’esprit critique. Ce n’est pas non plus la liberté d’un partage qui permet à tout un chacun de chercher par sa propre initiative des informations qui pourraient satisfaire sa curiosité et son avidité de comprendre le monde dans lequel il vit. C’est un ensemble de flashs prêts à consommer, triés sur le volet, et désincarnés de tout ancrage causal ou contextuel, et encore moins historique ou éthique.

Pour élargir la réflexion, laissons notre esprit vagabonder entre les notions d’information, de connaissance et d’éducation… Quand on promeut la pédagogie numérique, apprend-on aux élèves l’existence de Wikipédia et des ressources libres ? Savez-vous qu’aux Etats-Unis certaines écoles donnent l’autorisation à des corporations de projeter non seulement des messages publicitaires aux élèves, mais également du matériel didactique, par exemple des émissions qui expliquent l’actualité aux enfants (www.channelone.com, trouvez le logo « brought to you by U.S. ARMY ») ?


Epilogue, quoique je préfère l’envisager comme un prologue…

Il ne faut donc pas oublier qui génère l’information. Il ne faut pas oublier combien elle coûte. Il ne faut pas oublier à qui ces dépenses bénéficient. Il ne faut pas oublier non plus que les sommes d’argent dissuasives qui ont déjà été exigées par des grandes corporations de distribution à des simples particuliers accusés de pirater une chanson de Whitney Houston sont une manière détournée de créer des prisons pour l’esprit, et d’appauvrir non seulement les portefeuilles, mais surtout les esprits.

Enfin, il ne faut pas oublier que quand on cherche la connaissance, les objets de cette connaissance ont un prix, et que cela ne va pas de soi, pour autant qu’on se libère de la tyrannie de l’état des choses. Il ne faut pas oublier, comme l’a toujours dit Einstein, que la manière dont l’objet de connaissance est construit, énoncé ou biaisé par la personne qui le génère, exerce une influence décisive sur la connaissance qui en résulte.