Tout part d’une émotion partagée.
Le mouvement OCCUPY/OCCUPONS trouve sa première impulsion dans une émotion juste, celle qui vient d’une attention portée à l’autre : l’indignation.
Le riche certes indigne, mais là, cet autre, c’est le pauvre, le plus démuni qui entraîne le regard.
Non seulement je le regarde, plus encore, je décide de le devenir dans l’espace de ma propre vie : je fais mienne sa condition, par solidarité, par empathie, par indignation.
Se met ainsi en place la concrétisation de l’égalité : volontairement, je deviens l’égal de celui que le système a le plus rabaissé et marginalisé.
Cette nouvelle égalité partagée, je la vis et je la donne à voir dans la rue, dans le même espace de vie où le pauvre a été poussé. Cet espace de vie – vie réduite à sa simple et difficile subsistance – devient une scène publique de l’indignation, de la solidarité, de l’égalité, toutes trois vécues sans discours, se passant de slogans, de pancartes.
Telles sont les composantes du nouvel agir social, où les valeurs humaines surgissent dotées d’une force de vie.
Le mouvement des Indignés nous montre avec éloquence dans sa première étape, comment s’édifie l’agir pour l’autre.
Et l’ordre adopté dans cette édification constitue sa véritable force. Un ordre fondateur par excellence. Car il fallait nécessairement opérer une sorte de descente au fondamental chez l’humain, tout comme il fallait se pencher sur la personne se trouvant au plus bas socialement.
Impératif psychologique et moral. Obéissant tout naturellement à cet impératif, le manifestant d’aujourd’hui a trouvé une assise dans l’émotion et la sensibilité et a renoué ainsi avec le fondement même de son humanité.
Une émotion nouvelle naît de cette double démarche : là, je sens et je réalise que je m’appartiens vraiment et que je ne suis jouet d’aucune force étrangère à moi-même.
Celui qui aspire à restaurer la démocratie, c’est-à-dire le pouvoir du peuple, c’est-à-dire la force du peuple, comprend ainsi qu’il cherche d’abord à se restaurer lui-même, à se saisir d’abord dans sa pleine dimension. Cela consiste à faire s’incliner la raison devant l’émotion et le sensible et à rétablir sa propre unité dans toutes les structures profondes de son être.
Intériorisant depuis longtemps le refus d’atomisation et de réduction de lui-même que lui inflige constamment le système, et en se choisissant aujourd’hui comme le marginal de la rue pour une unité sociale enfin rétablie, l’indigné réalise un affranchissement de lui-même de manière nouvelle.
Le mouvement nous a permis d’assister à la reconquête d’une ressource inaliénable chez l’humain, sa propre humanité. Humanité, surgie du refus et de l’idéal, tous deux reliés et partagés.
Recentré sur soi, penché sur sa dignité humiliée, mais en même temps sur ses ressources profondes, l’humain s’en est rendu à nouveau maître. Maintenant, conscient de cette force qu’il fait perdurer, il peut se redresser pour envisager l’étape suivante.
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